Le sucrage : une utilisation des cuves de mélange.

Le sucrage en fin de processus de production de la bière consiste à ajouter une quantité mesurée de sucre juste avant l’embouteillage ou le conditionnement en fût. Cette pratique peut répondre à plusieurs objectifs :

  1. Carbonatation naturelle (refermentation en bouteille) :
    La raison la plus courante du sucrage est de générer une carbonatation naturelle. En ajoutant du sucre, les levures résiduelles présentes dans la bière vont fermenter ce sucre une fois que la bière est mise en bouteille ou en fût. La fermentation produit du dioxyde de carbone (CO₂) qui se dissout dans le liquide et apporte à la bière sa mousse et sa vivacité.
  2. Ajustement du profil gustatif et de la texture :
    Dans certains cas, le sucrage permet d’ajuster l’équilibre entre l’amertume, l’acidité et la douceur de la bière. En apportant une légère dose de sucre fermentescible, le brasseur peut influencer le corps et la rondeur de la boisson. Toutefois, cette technique doit être utilisée avec précaution, car un excès de sucre fermenté peut rendre la bière plus sèche ou modifier de manière imprévisible son profil aromatique.
  3. Augmentation éventuelle de la teneur en alcool :
    Moins fréquemment, le sucrage peut être employé pour augmenter légèrement le degré alcoolique de la bière. Le sucre additionnel, une fois fermenté, produit de l’alcool. Cette pratique est cependant rare car elle doit être très contrôlée afin d’éviter une surcarbonatation ou des déséquilibres dans le goût.

Comment procède-t-on au sucrage ?

  1. Dosage précis du sucre :
    Le brasseur calcule la quantité exacte de sucre nécessaire en fonction du volume de bière et du niveau de carbonatation souhaité. Des tables de dosage ou des formules spécifiques sont utilisées pour déterminer la quantité en grammes par litre.
  2. Choix du type de sucre :
    Les types de sucre employés peuvent varier. Le dextrose (sucre de maïs) est fréquemment utilisé car il est facilement fermentescible et ne laisse pas de résidu. D’autres sucres (comme le sucre de canne ou des mélanges spécifiques) peuvent être choisis en fonction des caractéristiques aromatiques recherchées.
  3. Préparation du sucre :
    Le sucre est généralement dissous dans un petit volume d’eau bouillante. Cette étape permet non seulement de stériliser la solution sucrée mais aussi de faciliter son incorporation homogène dans la bière.
  4. Incorporation dans la bière :
    La solution de sucre est ensuite ajoutée à la bière juste avant l’embouteillage ou la mise en fût. Le mélange doit être homogène pour assurer une distribution uniforme du sucre, condition indispensable pour une refermentation contrôlée et une carbonatation uniforme.
  5. Refermentation et maturation :
    Une fois conditionnée, la bière subit une refermentation en bouteille ou en fût. Les levures fermentent le sucre ajouté, produisant du CO₂ qui se dissout dans la bière. Ce processus est suivi pendant une période déterminée afin d’obtenir la carbonatation désirée sans risquer une surpression qui pourrait compromettre l’emballage.

En résumé, le sucrage en fin de production est principalement destiné à créer une carbonatation naturelle et, dans certains cas, à ajuster le profil gustatif ou le taux d’alcool. La méthode repose sur un dosage précis, un choix approprié du type de sucre et une incorporation soignée pour garantir un résultat final harmonieux et stable.

Exemple de sucrage

Dans cet exemple, nous utilisons du dextrose (avec un coefficient K=4) et nous supposons que la bière contient déjà un résidu de 0,8 volume de CO₂ à l’issue de la fermentation primaire. La formule de base utilisée est :

Sucre (g/L)=(Cd−Cr)×K

  • Cd : Niveau total de CO₂ souhaité (en volumes)
  • Cr : Niveau de CO₂ résiduel présent dans la bière (en volumes)
  • K : Coefficient du sucre (pour le dextrose, environ 4 g/L par volume de CO₂ à ajouter)

En appliquant cette formule, on obtient la table suivante :

CO₂ total souhaité
(volumes)
CO₂ résiduel
(volumes)
CO₂ à ajouter
(volumes)
Sucre à ajouter
(g/L)
1,5 0,8 0,7 0,7 × 4 = 2,8
2,0 0,8 1,2 1,2 × 4 = 4,8
2,5 0,8 1,7 1,7 × 4 = 6,8
3,0 0,8 2,2 2,2 × 4 = 8,8
3,5 0,8 2,7 2,7 × 4 = 10,8
4,0 0,8 3,2 3,2 × 4 = 12,8

Explications :

  • CO₂ total souhaité : C’est le volume total de CO₂ que l’on souhaite retrouver dans la bière après conditionnement.
  • CO₂ résiduel : Quantité de CO₂ déjà dissoute dans la bière après fermentation primaire (souvent fonction de la température et des conditions de fermentation).
  • CO₂ à ajouter : La différence entre le CO₂ total souhaité et le CO₂ résiduel, c’est-à-dire le volume de CO₂ qui devra être généré par la refermentation.
  • Sucre à ajouter : Pour obtenir ce supplément de CO₂, on ajoute la quantité de sucre calculée en multipliant le nombre de volumes de CO₂ à ajouter par le coefficient K.

Cette table permet ainsi d’ajuster précisément le dosage du sucre (pour le dextrose) et d’assurer une carbonatation homogène lors de la refermentation en bouteille ou en fût. Bien entendu, si un autre type de sucre est utilisé, le coefficient K devra être adapté en fonction de son pouvoir fermentescible.